En juin, la disparition des CHSCT a été au cœur des échanges sur la réforme de la fonction publique entre l’administration et les syndicats. Ceux-ci dénoncent un recul sur la prise en charge de la santé au travail, à contretemps des enseignements tirés de la crise sanitaire.
Le 5 juin dernier, les syndicats CGT, FA-FP, FO, FSU et Solidaires ont claqué la porte d’une réunion organisée par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique (DGAFP). Cette réunion devait porter sur l’une des dispositions les plus contestées de la loi de réforme du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, à savoir la fusion des instances de dialogue social et la disparition des CHSCT. Dans une déclaration commune, l’intersyndicale a déploré que la reprise des négociations porte d’emblée sur ce sujet et demandé, au préalable, la programmation d’une réunion pour faire le bilan du fonctionnement des services publics pendant la crise sanitaire. Sans être entendue.
Dispositions régressives
« Les CHSCT ont pourtant été des maillons essentiels de la prévention durant la crise sanitaire », fait valoir Hervé Moreau, en charge des questions de santé au travail pour la FSU. « Alors que les CHSCT ont démontré toute leur utilité pendant ces mois, s’empresser de faire passer ce décret est scandaleux », s’insurge Dominique Duhamel pour la CGT. Depuis, plusieurs réunions ont eu lieu sur le sujet en juin et début juillet, auxquelles la plupart des organisations syndicales ont participé. Et un premier projet de décret devrait être présenté le 16 juillet devant le Conseil supérieur de la fonction publique de l’État. Ce calendrier très serré et l’absence de réel dialogue social sont dénoncés par les organisations syndicales. « Les dispositions retenues dans le document de travail transmis par la DGAFP sont extrêmement régressives », regrette amèrement Annick Fayard pour l’Unsa.
Si les CHSCT existaient déjà dans les hôpitaux publics, ils n’ont été mis en place dans les fonctions publiques d’Etat et territoriale qu’à partir de novembre 2009. La loi du 6 août 2019 prévoit néanmoins leur fusion d’ici 2022 avec les comités techniques (CT) au sein d’une nouvelle instance, le comité social, et ce dans les trois versants de la fonction publique. Avec une diminution probable du nombre de représentants du personnel. « Les questions de santé et travail vont être noyées dans les prérogatives des comités sociaux », prédit Dominique Duhamel.
Des prérogatives plus limitées
Pour traiter des questions de santé au travail, il est prévu d’instituer au sein des comités sociaux une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail (FSSCT). Le seuil de création de cette FSSCT serait fixé à 300 agents, alors que les organisations syndicales demandent une formation spécialisée à partir de 50 agents, comme c’est le cas actuellement pour les CHSCT. En cas de risques professionnels particuliers et si le nombre d’agents est inférieur au seuil requis, la mise en place de cette formation devrait rester facultative. Les FSSCT disposeront des prérogatives des CHSCT en matière d’enquêtes, de visites et de demande d’expertise. « Mais le délai pour demander une expertise est désormais limité à un mois », signale Annick Fayard.
En outre, les FSSCT ne seront plus compétentes pour donner un avis sur les projets de réorganisation des services, contrairement aux CHSCT. « Le comité social devra se prononcer sans pouvoir réaliser des visites de terrain ou demander une expertise », explique Hervé Moreau. L’instance sera de facto privée de moyens pour instruire les conséquences des réorganisations sur les conditions de travail des agents. « Les réorganisations et restructurations ont pourtant un impact avéré sur la santé des agents », rappelle Annick Fayard. Alors que le nombre de réunions ordinaires des CHSCT est de trois minimum par an, le projet prévoit que la FSSCT se réunisse au moins une fois par an. Un point qui fait bondir les syndicats. « Un tel retour en arrière est très dangereux », déplore Dominique Duhamel. « Contrairement à ce qui est annoncé, les textes ne vont pas du tout dans le sens d’un alignement sur le privé », renchérit Annick Fayard. « Il s’agit essentiellement d’alléger les contraintes des employeurs tout en minorant les risques de contentieux », continue-t-elle.
Inquiétudes sur les futurs conseils médicaux
Un autre projet de décret sur les commissions de réforme inquiète également les organisations syndicales. La commission de réforme est une instance paritaire consultée, par exemple, sur le lien entre une pathologie ou un accident et le service, ou encore sur la détermination d’un taux d’invalidité à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle. « Les commissions de réforme vont être remplacées par un conseil médical. Les représentants du personnel y seront moins nombreux qu’actuellement pour défendre les droits des agents », précise Hervé Moreau. Si les syndicats sont invités à proposer des amendements aux projets de décrets du gouvernement, ils ne se font guère d’illusion sur leurs marges de manœuvre. Ainsi, le décret réformant la médecine de prévention du 27 mai 2020 n’a pas tenu compte de leurs réserves (lire notre article sur le sujet) : la visite médicale obligatoire tous les cinq ans a été transformée en visite d’information et de prévention, tandis que les personnels exposés à certains risques ne bénéficieront plus d’une surveillance médicale annuelle. Des exigences réglementaires abaissées pour pallier la pénurie de médecins du travail dans la fonction publique, selon les syndicats.