COMPTE RENDU DE LA JOURNEE DE FORMATION DU 12 AVRIL 2018 – SOUFFRANCE AU TRAVAIL : UNE FATALITE ?

Mot d’ouverture de Kamel Brahmi,membre de l’UD CGT du 93

Kamel Brahmi, introduit son propos en signalant que si la thématique de la « souffrance au travail » est bien en prise avec les réalités du monde du travail, public comme privé, et témoigne d’une prise en compte par les syndicats de cette question, elle démontre aussi les attentes envers eux et, singulièrement, envers la CGT.

Ce phénomène, étudié et médiatisé, est négligé voire nié par les directions et les patrons. Kamel Brahmi évoque le cas particulier de la BNP, où l’insistance syndicale a débouché sur un dispositif, les  » Angels « , chargés de donner ou redonner envie aux salariés de travailler. Leur mission étant de faire remonter les aspects liés à la pénibilité qu’exprimaient les salariés, ils ont fait remonter beaucoup de critiques et se sont retrouvés pris entre l’encadrement resté sourd aux remontées et les salariés insatisfaits de la non prise en compte de leurs doléances. Une situation qui illustre le manque d’intérêt de la direction, décrédibilise le dispositif et finalement génère des risques psycho-sociaux.

Après le contrôle des corps – on pense à Charlot dans « Les Temps modernes » – et le contrôle des esprits du libéralisme des années 80, facteur d’accompagnement de la mutation du capitalisme vers la financiarisation de l’économie – les lois du management basculent vers la gestion du sens du travail et du « bien travailler ». C’est ce qu’a développé le sociologue Vincent de Gaulejac qui, sur la base d’enquêtes de terrain, étudie les cas de burn-out et démontre le lien de causalité entre « révolution managériale » et montée des souffrances au travail. L’injonction paradoxale, qui fait particulièrement écho aux salariés du public (ou les cheminots), consiste à demander de « faire plus avec moins » de moyens, d’offrir un « service de qualité » avec des budgets en baisse. Dans le cas des cheminots, c’est être les piliers de l’aménagement du territoire avec un réseau vétuste en sous-investissement chronique.

L’injonction paradoxale, génératrice de mal être au travail, est également accompagnée d’une mise en situation de conflit de loyauté. Le dévouement des agents à assurer un service de qualité aux populations se heurte à l’application de réformes et de leur cortège de réorganisations. Comment dans ces conditions remplir sa mission correctement, conformément aux ordres de sa hiérarchie ?

La source de ces problèmes Kamel Brahmi croit les trouver dans l’unique horizon désormais donné aux politiques publiques : la logique comptable. Aberration s’il en est puisqu’un service public rentable, qui ne coûte pas, voire qui dégagerait des bénéfices, n’existe pas. Un Service public est par nature en dehors des règles du marché. C’est le bien de ceux qui n’ont rien, un bien commun.

Pour finir, Kamel Brahmi a souligné l’intérêt qu’il voyait, dans le contexte de luttes actuelles, de ne pas négliger les problèmes singuliers, voire les cas individuels pour les mettre en perspectives et d’en faire la première étape de construction du « tous ensemble ». Combattre la stratégie financiarisation des politiques publiques, faire la démonstration de véritables alternatives sur l’emploi, les salaires, les conditions de travail et les services publics, c’est d’abord affranchir les salariés eux-mêmes des stratégies d’individualisation en oeuvre à leur encontre par les directions. C’est travailler à libérer une réflexion individuelle piégée par l’organisation managériale du travail.

LE TRAVAIL, C’EST (PAS TOUJOURS) LA SANTE

1) La souffrance, un nouveau risque professionnel ?

La notion de risque professionnel peut être définie comme l’ensemble des menaces qui pèsent sur la santé des salariés du fait de leur activité professionnelle. Elles peuvent se traduire par un accident ou une maladie dite « professionnelle ».

Si l’activité physique professionnelle reste la principale cause d’accidents du travail, de maladies professionnelles et d’inaptitudes diverses, on assiste néanmoins à l’émergence de maladies et accidents liés à des risques psychosociaux (RPS). Les RPS correspondent à la combinaison ou non de situations génératrices de stress, de violences (internes ou externes), de risques induits par l’activité elle-même ou générés par l’organisation du travail voire, par les relations de travail…

Le fait d’être exposé à ces situations de travail peut avoir des conséquences cardio-vasculaires, musculo-squelettiques, anxio-dépressifs, amener à l’épuisement professionnel, au burn-out… voire pire, au suicide.

Bruno Ledemé, membre de la CGT à l‘inspection du travail, souligne la difficulté d’obtenir les statistiques reflétant la réalité des risques psychosociaux dans la fonction publique. Son engagement syndical et son expertise l’ont amené à connaître et analyser des situations de travail pouvant mettre en danger la santé des salariés. Il rappelle que les accidents de trajet, les accidents de trajet et les maladies professionnelles ont un coût. Les chiffres concernant la fonction publique sont largement minorés du fait même des sources non fiables. 400 000 à 480 000 personnes développent un burn-out par an en France mais très peu sont reconnus comme maladies professionnelles. Marcel Ruffin a d’ailleurs proposé l’intégration des RPS au tableau des maladies professionnelles.

Dr Allain Carré, ancien médecin du travail, rappelle que l’ordonnance du 19 janvier 2017 prévoit la présomption d’imputabilité de l’employeur pour tout accident de travail. A partir de son expérience de médecin du travail lors de la privatisation de EDF/GDF, Il a pu observer les ravages de la fin de l’esprit du service public induit par la mise en œuvre de nouvelles organisations du travail managériales sur la santé des agents mais aussi comprendre que cette dégradation n’est pas inéluctable. A partir des témoignages des patients salariés, une action, une description des risques, en lien avec le CHSCT est possible. Il met en garde contre l’utilisation du terme « burn-out » pour caractériser son état de santé. Cette maladie n’étant pas reconnue, il est plus judicieux de parler, en terme médical, de dépression, d’anxiété

2) Les réorganisations, la gestion de la pénurie, les modes de management actuels sont-ils facteurs de risques psychosociaux ?

Le non remplacement des postes vacants, l’individualisation des objectifs, les impératifs de gestion qui dictent la réalisation des missions, les réorganisations incessantes, le manque de reconnaissance… concourent à la perte de sens au travail. Ils mettent le salarié dans un conflit de valeurs à l’origine de l’épuisement professionnel et du mal être au travail.

Danièle Linhart, sociologue, directrice de recherche au CNRS et professeure à l’université de Paris X Nanterre, décrypte la mécanique de l’épuisement professionnel, du burn-out. Elle présente, dans son livre « la comédie humaine », les aspects délétères du management prônant l’individualisation du salarié et de son travail. Cette individualisation est présentée au salarié comme un atout, une progression alors qu’en réalité, en cassant la gestion collective, elle évite les soulèvements de type Mai 68. La personnalisation du travail, les primes individuelles, les EPA, les comparaisons les uns autres, les compétences liées à la personnalité des agents les rendent vulnérables. La psychologisation de la relation de travail pousse le salarié à vouloir être courageux, à se remettre en permanence en question à se dépasser pour répondre aux exigences sans cesse accrues.

Or, jouer sur le narcissisme, sur le besoin de reconnaissance, est en réalité une forme de manipulation puisque c’est la personne qui est jugée pas le travail.

Et toujours dans le même esprit, des services de bien-être sont mises en place, en d’autres termes, faire tout en périphérie avec les relations humaines pour maintenir la subordination.

Le savoir représentant le pouvoir, ce transfert du pouvoir vers les encadrants, dans une logique taylorienne décrédibilise le salarié. En imposant les méthodes de travail, des process, on fait travailler les gens comme on le décide en dépossédant le salarié de son savoir.

La politique du changement incessant conduit à déclarer obsolète le savoir des salariés dépassés par la cadence des nouveaux défis à relever. Elle est pratiquée dans le but de faire oublier aux agents leur valeur professionnelle, leur valeur du service public pour les amener à s’ouvrir à d’autres méthodes, comme pour transformer des ouvriers professionnels en apprentis perpétuels.

Il faut donc tout changer pour faire oublier. Les restructurations, externalisations, mobilités personnelles, déménagements, changements de logiciels participent de cette volonté de tout changer pour être obligé de suivre des procédures écrites par les manageurs.

Dans un tel état de subordination, l’agent se retrouve en situation d’épuisement professionnel : il est perdu, stressé, il a peur de l’avenir et des autres avec une image de soi complètement dévalorisée. Il perd même la capacité de critiquer. Il se retrouve dans un état d’impuissance, résigné, persuadé que l’on ne peut rien y faire.

Cette clause de subordination est la base de tout. Et, il faudrait la changer mais pour cela, il faut le déconnecter des responsabilités.

Emmanuel Abord de Chatillon, professeur de Management des Ressources Humaines, de la chaire Santé au travail à l’université de Grenoble-Alpes propose une modélisation des conditions de bien-être au travail avec les quatre dimensions nécessaires : le Sens du travail, le Lien entre collègues, l’Activité réelle en termes de qualité de travail et le confort ou bonnes conditions de travail. Il propose des leviers à portée de tous pour contourner ou faire cesser le mal être au travail. Formant lui-même des manageurs, il précise que ceux-ci, salariés comme les autres, peuvent être aussi en souffrance, dans leurs grandes entreprises de CAC 40 par exemple. D’ailleurs, les agents des collectivités territoriales interrogés, disent qu’il y a à la fois trop de manager (trop de process, trop de paperasses) mais aussi pas suffisamment de manager (pas suffisamment d’accompagnement, de présence en cas de besoin). Il précise qu’un salarié peut être tout à la fois stressé, fatigué par son travail et content d’être à ce même travail. On peut se trouver dans un double mouvement de bien-être et mal être au travail. L’exemple des infirmières qui luttent pour sauver leur métier en est un exemple.

Jean-Luc Molins, représentant de l’UGICT-CGT, a mené une campagne pour un droit à la déconnexion pour protéger la santé des salariés. Il souligne que le numérique n’est pas à mettre au pilori mais qu’il convient de bien l’utiliser pour qu’il ne vienne pas empiéter sur la vie privée. Il propose d’ailleurs le numérique comme levier d’un management alternatif. Il repose sur 3 axes de construction réhabilitant le rôle central que doit occuper le travail pour construire l’alternative au modèle dominant (Wall Street management) :

  • la reconnaissance des qualifications et leur plein exercice,
  • des droits d’expression et d’intervention individuels et collectifs,
  • la conjugaison permanente des aspects sociaux, économiques et environnementaux pour tout choix de gestion.

 3) Etat des lieux au CD93 : un Département pas toujours en pointe…tout en proposant un outil de lutte contre les discriminations: la cellule égalité au travail

Au CD 93 : En 2016, 293 accidents de travail et 164 accidents de trajet et 21 maladies professionnelles ont été reconnus imputables au service.

Les accidents liés à des facteurs de RPS et à des agressions représentent 14 % des accidents de travail, en forte hausse (+8% en 2015) contre 2,1 % pour l’ensemble des collectivités (source CNRACL).

Par ailleurs, une étude menée en 2017 par la DSOE (1502 réponses au questionnaire) révèle que 93% des agents pensent que le Département doit agir contre les discriminations, source de souffrance au travail.

Les discriminations, le harcèlement, l’inégalité de traitement peuvent être à l’origine de souffrance psychologique de risques psychosociaux (RPS) qui dégradent la santé au travail.

La cellule “Egalité au travail” (au cœur du Label Diversité décerné au CD 93), est une cellule d’écoute et surtout de traitement des situations de discriminations ou de présomption de discrimination. Mise en place en 2014, elle évolue après les contrôles internes et des demandes des RP CHSCT.

Les RP CHSCT réclament notamment la prise en compte, pour traitement, de toutes les saisines, qu’elles soient ou pas qualifiées de discriminations. Car une saisine découle toujours d’une souffrance que l’employeur doit faire cesser.

L’enjeu est important puisqu’en 2017, le critère de discrimination n’a pas été retenu dans la moitié des réclamations.

4) Les outils légaux pour éviter ces risques et/ou faire reconnaître ces accidents 

Le rôle du CHSCT – le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail constitue le meilleur moyen de gagner de meilleures conditions de travail.

  • Exercer le droit d’alerte et le droit de retrait

La loi reconnaît à tout agent le droit de retrait, c’est à dire le droit de cesser le travail face à un danger grave ET imminent pour sa vie ou sa santé.

Le droit de retrait doit être précédé ou concomitant à la procédure d’alerte. Il peut aussi être exercé par un représentant du personnel (CT ou CHSCT) (procédure en annexe)

L’employeur ou son représentant ne peut demander au salarié de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent.

  • L’employeur doit enquêter immédiatement sur le danger grave et imminent et le faire cesser avant la reprise de l’activité en cause.
  • L’exercice régulier du droit de retrait ne peut entraîner aucune retenue de salaire.
  • Les nouveautés de l’ordonnance 2017-53 du 19 janvier 2017 cette ordonnance réforme diverses questions de santé et de sécurité au sein de la fonction publique en l’alignant sur le secteur privé.

Désormais, tout accident survenu sur le temps et le lieu de travail de l’agent, est imputable au service et c’est à l’employeur de prouver que ce n’est pas un accident de travail.

Il en est de même pour les maladies inscrites au tableau de maladies professionnelles et imputables au service a priori.

  • Les visites du CHSCT et la Commission des locaux

Les visites du CHSCT concernent les problèmes d’environnement et de conditions de travail. Elle est déclenchée par un signalement individuel ou collectif dans le registre sécurité qui est disponible sur tous les lieux de travail. La procédure est accélérée par la transmission de la copie du signalement à un représentant du personnel au CHSCT ou au syndicat.

Le compte rendu de la visite du CHSCT est validé par les signataires du signalement avant sa transmission au PPRS.

La Commission des locaux est une instance du CHSCT dans laquelle sont débattus les signalements individuels ou collectifs transmis par les RP au CHSCT. Elle propose les aménagements possibles pour améliorer les conditions de travail en matière :

  • d’aménagement de postes ou d’espaces de travail
  • de prise en compte des problèmes d’hygiène, de sécurité et de l’environnement du lieu de travail
  • de respect des normes sanitaires
  • de relogement de sites accueillant du public…

 Tandis que plane aujourd’hui, le risque de voir les CHSCT disparaître – comme dans le privé, suite aux ordonnances Macron – il est nécessaire de se mobiliser pour préserver cette instance au service de la santé des salariés. Il est aussi important de veiller à l’externalisation complète de l’instruction des réclamations de la cellule égalité au travail.

Au CD 93, les Représentants du personnel au CHSCT dénoncent la longueur des délais de traitement des dossiers d’accident de travail et de maladie professionnelle par la commission de réforme (CRI), la longueur des délais d’expertise médicale et parfois celle des délais internes à la collectivité qui ont des conséquences en fragilisant la situation des agents en arrêt de travail.

POUR PROTÉGER SA SANTÉ, EST-IL (ENCORE) POSSIBLE D’AGIR ET COMMENT ?

1) L’employeur a des responsabilités, les salariés ont des droits

Un des moyens de se protéger, c’est de connaitre ses droits. Cependant, quand le mal est déjà là, comment faire reconnaitre sa souffrance ? Comment faire pour que cela cesse ?

Malgré les attaques sur le code du travail, il subsiste encore des leviers d’actions dans la fonction publique. Plusieurs acteurs ont un rôle important pour accompagner les agents mais aussi pour impulser des plans de prévention.

Préserver la santé au travail, c’est identifier les risques auxquels les salariés sont exposés et les en préserver. Et, en la matière, l’employeur a des obligations.

Maitre David Vandervlist, avocat en droit du travail et social, aux côtés des salariés, des représentants du personnel et des organisations syndicales est très au fait des difficultés que peuvent rencontrer les salariés pour la reconnaissance de leurs droits, notamment quand leur santé se trouve altérée par le travail.

A partir de l’arrêt rendu par la Cour de Versailles contre la société Chubb France qui déployait de nouveaux logiciels informatiques mettant en souffrance, leur imposant

une pression avec des objectifs chiffrés et des salaires liés au résultat, David Vandervlist insiste sur la nécessité d’utiliser tous les outils :

  • Engager une démarche individuelle avec inscription au registre de sécurité,
  • Prendre attache avec un syndicat qui pourra rattacher ces démarches individuelles à une action collective
  • Utiliser les instances représentatives CHS. Elles sont efficaces et vont forcer l’administration à réagir
  • Rencontrer la médecine du travail
  • Alerter les élus
  • Alerter les experts auxquels le CHSCT peut faire appel

Il conclut sur l’importance d’un travail en  commun  avec tous les intervenants pour appréhender l’ensemble du contexte, des effets, pour faire évoluer les méthodes de travail.

Dans cet exemple, la faute inexcusable du service a été reconnue.

Bruno Ledemé, membre CGT à l’inspection du travail abonde dans le sens de David Vandervlist.

Il est important de solliciter une intervention de l’inspecteur du travail qui est réduite mais qui existe cependant.

Les élus CHSCT ont pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale des travailleurs, ainsi qu’à l’amélioration des conditions de travail. Ils doivent contrôler le respect par l’employeur des prescriptions légales dans ces domaines.

Dans le public, la feuille de route de l’administration publique pour fusionner les instances   CHSCT et CT va aller dans le sens de ce qui s’est passé dans le privé et il faut s’en inquiéter.

C’est un paradoxe important au regard de  « la recrudescence des problèmes de santé au travail et cette volonté de supprimer les CHSCT », car ils sont le seul relais dans l’entreprise pour les salariés et les intervenants extérieurs (médecins, inspecteurs du travail…) ».

Dr Alain Carré ancien médecin du travail EDF  revient sur le mot burn out, à ne jamais utiliser mais plutôt le terme d’accident du travail  afin d’avoir des chances de le voir reconnaître

Pour les salariés 3 types d’experts :

– les experts  choisis par l’employeur

– les médecins du travail tournés vers la prévention des risques et sur la santé des salariés

– les experts du CHSCT mais qui risquent de disparaître avec les évolutions de ces instances prévues par les ordonnances Macron (moins de moyens financiers notamment).

Dans la collectivité territoriale nous sommes sur de la médecine de prévention avec obligation pour l’employeur de se plier aux recommandations

  • signalement des alertes de risques par le médecin
  • fiche inventoriant tous les risques

Il faut avoir une culture de «collecte» pour avoir les éléments concrets pour opposer la réalité du travail et des conditions de travail, pour avoir des arguments concrets et mesurables à opposer.

ANNE MARCHAND Chercheure associée au Giscop 93 (groupe d’intérêt scientifique sur les cancers d’origine professionnelle en Seine-Saint-Denis) travaille pour une reconnaissance des origines professionnelles des cancers, notamment les cancers pulmonaires.

Financé en partie par le CD 93, le GISCOP 93 a été créé en 1980 par des médecins de santé publique alertés sur le taux de mortalité par cancer qui pouvaient trouver aussi leur source dans l’histoire de la Seine-Saint-Denis. Le Giscop travaille à partir du processus de réparation en considérant le cancer comme un événement sentinelle.

Depuis 2002, 1300 parcours professionnels de personnes résidentes en SSD ont été suivis par le Giscop 93. 1/3 de ces personnes sont toujours en activité. Sur l’ensemble ¾ ont été reconnues en maladies professionnelles.

Il est cependant très difficile de recourir et d’accéder à la réparation, compte tenu de la complexité des procédures, des outils de mesures. D’où la nécessité de laisser des traces, donc de construire leur référencement (exemple par le CHSCT) et de les faire figurer sur les procès-verbaux qui doivent bien sûr être remis à la famille des personnes touchées pour réparation.

2) Gagner la santé au travail, c’est transformer le travail, c’est libérer le travail et c’est l’affaire de tous

 Thomas COUTROT économiste et statisticien du travail évoque les résultats d’une enquête sur les conditions de travail et les risques psycho-sociaux (réalisée en 2016 auprès de 30 000 personnes par le Ministère du travail) avec un taux de réponse important de 80 %.

– Environ 35 % disent qu’ils sont satisfaits globalement (plutôt des cadres supérieurs) mais peu sont contents de toutes les composantes de leur travail.

– 30 % des salariés sont heureux au boulot, 10 % sont en grande souffrance, les 60 % restant sont composés de plusieurs catégories : les insécurisés, les empêchés, les accablés et les invisibles…

– les gens victimes de «travail empêché» exercent un métier qui ne répond pas à leur besoin de bien faire leur travail, (chez les fonctionnaires environ 30 % surtout chez les hospitaliers).

– 16 %  «les invisibles» sont contents de leur activité mais ne se sentent pas valorisés mais plutôt invisibles (assistantes maternelles personnels de nettoyage…)

– 10 % des personnes sont «les accablés» :  catégories de professions peu reconnues, mal rémunérées, avec absence d’intérêt, d’autonomie, de soutien hiérarchique, de fierté de leur travail. Le risque de dépression sévère peut être multiplié par presque 3, comme les caissières, les assistantes maternelles, les personnels de gardiennage, les ouvriers de la métallurgie,…

De plus les salariés qui vont bien à un moment donné, ne sont pas à l’abri d’une restructuration/réorganisation (notamment dans la fonction publique) qui peut les faire basculer de l’autre côté.

Il existe donc une palette importante de conditions de souffrance dans le travail entre ces 35 % et ces 10 %.

Pourtant, transformer l’organisation du travail c’est possible. L’exemple est pris des Pays-Bas, où les infirmières à domicile ont créé une association pour  responsabiliser les habitants des quartiers. Chacune a un portefeuille de patients et organise le travail. Elles vont, dans un premier temps, voir leur patient à domicile pour discuter avec eux, l’objectif étant d’identifier qui de leur voisin serait en capacité d’intervenir en cas de besoin.

Les infirmières investissent du temps au début de leur intervention pour construire un tissu de solidarité, qui prend le relais. Par conséquent elles ont moins besoin de passer, elles consacrent le temps dégagé  à d’autres patients. On constate donc que cela a un effet thérapeutique important avec une baisse de fréquentation de l’hôpital d’environ 30 % donc baisse du coût pour la collectivité.

Danièle Linhart rappelle que pendant longtemps, iI y a eu comme «un impensé»  et un refus des syndicats, de  la CGT notamment, d’intervenir dans l’organisation du travail et d’aborder la nature et les effets du lien de subordination.

Le résultat c’est qu’au lieu de lutter contre la souffrance au travail, ils ont milité pour des primes liées aux risques des métiers, des dédommagements pour contrer les conditions de travail et les risques.

Ce lien de subordination, hier collectif, aujourd’hui individuel forcé, est de plus en plus mal vécu, car il s’appuie sur un management de la dimension personnelle de l’individu, au détriment de sa dimension professionnelle donc collective (Ex des «DRH du bonheur et de la bienveillance».

Il nous faut trouver les moyens de mettre en débat la question de l’organisation du travail, de la subordination et de la souffrance avant que le patronat qui va très vite, ne le fasse.

Lorsque le Medef souhaite «libérer les entreprises», et «libérer le travail», il souhaite   libérer  les patrons des contraintes du code du travail, des médecins du travail, des inspecteurs du travail ou des CHSCT.

La suppression du lien de subordination risque de faire disparaître les responsabilités des entreprises et par la même, les garanties qui en découlent pour les salariés : une paye, un accès à la santé, des indemnités chômage….

Jérome Vivenza du Pole travail protection santé à la CGT parle de son métier de facteur à plusieurs facettes : s’occuper de nos grands-parents, installer la fibre, et… distributeur de courrier, employé de la poste. Avec humour, il révèle comment le patron a fixé les objectifs et les salariés, les valeurs de leur métier. Il donne l’exemple d’une plateforme où l’important était de décrocher avant 3 sonneries mais peu importait la demande et la résolution du problème de l’appelant.

Il cite également les crèches pour lesquelles la collectivité avait un objectif d’obligation d’un taux de remplissage, en opposition avec celui des personnels qui eux voulaient travailler à la question de l’accueil des  enfants et des familles et donc de leur métier.

La question est bien la prise en main de l’organisation de l’entreprise, en contact avec la réalité, avec la connaissance que les salariés ont de leur métier.

Appelés à conclure cette journée, les 4 Secrétaires CGT remercient les 300 participants, ils saluent la qualité des interventions et précisent que la CGT est engagée dans une action à long terme d’éducation populaire et de formation à la compréhension de l’origine des souffrances que les agents subissent.

Cette journée attendue par les agents présents lors de la formation réalisée en 2017 (Demain, sans fonctionnaires ?), répond à un désir profond de disposer des clefs de compréhension nécessaires à l’accomplissement individuel et collectif.

Les Secrétaires saluent les agents acteurs de leur vie professionnelle, capables de se défendre et ayant la volonté de se faire entendre lors des élections professionnelles de décembre 2018.

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