NVO
Publié le 1 août 2017Par Laurent Milet
Laissant à penser que les principales causes du chômage de masse résideraient dans la rémunération du travail et les garanties collectives des salariés, le gouvernement Macron-Philippe s’est attelé à réécrire par ordonnances des parties entières du Code du travail.
C’est mépriser la démocratie politique et le travail des élus de la nation au sein du Parlement. En outre, le délai extrêmement réduit imposé par recours à la procédure accélérée pour le vote du projet de loi d’habilitation n’a pas permis de débats approfondis sur une reforme aussi structurante pour le monde du travail.
Comme l’a soulignée la CGT, le cadre de cette « réforme » va peser une nouvelle fois sur les conditions de vie et de travail des salariés. Selon le syndicat, « l’idée de décliner un Code du travail entreprise par entreprise, affaiblir les branches ou barèmiser les indemnités prud’homales induira du dumping social, alourdira le lien de subordination dans l’entreprise déjà bien à l’avantage des employeurs ». Une telle démarche n’a jamais produit d’effets si ce n’est détruire, les droits, les protections des salariés sans aucune répercussion positive sur le niveau de l’emploi.
Quoi qu’il en soit, la rédaction juridique de la NVO vous proposera régulièrement jusqu’à la fin du mois d’août un premier décryptage de la loi qui habilite le gouvernement à légiférer par voie d’ordonnances ainsi que des précisions déjà annoncées sur leur contenu. Nous n’en partageons pour l’essentiel ni la philosophie ni le contenu. Ce sont bien les exigences du Medef qui se dévoilent dans le projet de loi d’habilitation qui peuvent se résumer en deux mots : précarité pour ceux qui sont en emploi et pour ceux qui veulent y accéder ; liberté pour les entreprises. Nous souhaitons que cette série d’articles permette aux salariés de mieux s’approprier les dangers que recèle la réforme en préparation pour mieux en combattre les aspects les plus régressifs. D’autant plus que les ordonnances, une fois publiées au Journal officiel, ne pourront s’appliquer au-delà d’une durée de trois mois que si elles sont ratifiées par le Parlement. Le combat contre une régression sans précédent du droit du travail ne fait donc que commencer. Explications.
De la loi d’habilitation aux ordonnances
L’adoption d’une loi d’habilitation permet au gouvernement de légiférer par ordonnance sur certains points qui relèvent normalement de la loi (et donc du Parlement). Cette loi d’habilitation précise dans quel délai doivent être adoptées en Conseil des ministres la ou les ordonnances. Elle indique aussi dans quels délais ces ordonnances doivent être ratifiées par le Parlement. En l’espèce, Le Gouvernement disposerait d’un délai de six mois, à compter de la promulgation de la loi d’habilitation, pour publier les ordonnances. D’ores et déjà il a été annoncé que la présentation des ordonnances se ferait au Conseil des ministres du 20 septembre prochaince qui signifierait une publication de celles-ci au Journal officiel dans les jours qui suivent. Avant leur présentation au Conseil des ministres, les ordonnances doivent être soumises pour avis au Conseil d’Etat. Comme ce sont des ordonnances relevant du droit du travail, elles doivent également être soumises à consultation de la Commission nationale de la négociation collective (CNNC), du Conseil d’orientation des conditions de travail (COCT) et du Conseil supérieur de la prud’homie (CSP), puisqu’elles concerneraient aussi les prud’hommes.
En pratique, l’entrée en vigueur de la plupart des dispositions prévues par les ordonnances ne sera pas immédiate mais différée au 1er janvier 2018. En effet, selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi d’habilitation, plusieurs décrets d’application seront nécessaires dont la rédaction sera entamée concomitamment à la parution des ordonnances pour être prêts fin décembre 2017.
Des ordonnances à la loi de ratification
Les ordonnances une fois publiées au JO prennent la forme d’un règlement et ont une valeur inférieure à la loi. Une loi de ratification des ordonnances devra donc être adoptée par le Parlement dans le délai de trois mois à compter de leur publication au Journal officiel. Cette loi se contente, sans pouvoir les modifier, de valider les ordonnances.
Si ce projet de loi n’est pas déposé avant la date fixée par la loi d’habilitation, les ordonnances deviendraient caduques. Une fois le projet de loi de ratification déposé, soit le Parlement ratifie les ordonnances qui prennent alors valeur de loi, soit il les rejette, auquel cas elles ne disparaissent pas, mais elles conservent leur valeur règlementaire (mais avec un régime très particulier), ce qui concrètement aurait pour effet de leur faire perdre leur force contraignante.
Une mobilisation importante peut donc encore à ce stade contraindre le gouvernement à reculer d’autant plus que le contenu précis et régressif des ordonnances sera connu aux alentours du 28 août 2017.