Paris, le 2 juillet 2018
Nous introduirons notre propos pour nous faire l’écho du profond désarroi que les réformes en cours font peser sur les agents territoriaux, extrêmement inquiets face à la menace de suppressions d’emplois publics et de services publics (CAP 2022). Ces réformes font craindre une remise en cause sans précédent des emplois, et des services rendus auprès des populations.
Que les départements, pourtant garants de solidarité puissent être menacés apparait comme un non-sens pour le personnel et les usagers.
Nous avions fait parvenir au préfet de région, fin décembre, une contribution qui reste d’actualité. Nous voulons donc mettre l’accent, dans le cadre de cette rencontre sur 4 points principaux.
En premier lieu, depuis l’annonce par le Président de la République il y a tout juste un an d’une « simplification des structures institutionnelles » dans le cadre de la MGP, où en est-on ? Quel est le calendrier de cette nouvelle reconfiguration ? Des élections politiques se profilent, il est important pour le bon fonctionnement des services publics d’avoir une visibilité.
Nos collectivités portent 75% de l’investissement, dans l’Ile de France, d’importantes réalisations d’aménagements structurants dépendent d’elles. Elles portent une bonne part de la croissance, bien souvent en lieu et place de l’Etat, en même temps que les politiques de solidarité et de cohésion des territoires. Si votre objectif est de promouvoir l’investissement, supprimer les départements n’est-ce pas prendre le risque inverse ?
Deuxième point : la consultation et la représentation citoyenne. Oui nous sommes attachés à l’expression démocratique, à une fonction publique citoyenne, des services publics de proximité, exercés par des fonctionnaires garants de l’intérêt général, de l’égalité de traitement, et du bon usage de l’argent public. L’élection au suffrage universel des assemblées représentatives aux différents échelons est un marqueur fort pour chaque citoyen. Et pour nous en tant que fonctionnaires, une garantie que les politiques publiques seront bien le reflet de l’expression démocratique. Notre attachement au service public, en régie, se vérifie avec le fiasco de Vélib, d’Autolib, avec le gouffre financier des PPP. Voilà pourquoi nous appuyons le triptyque Région, Département, Commune pour l’Ile de France, collectivités élues au suffrage universel.
La suppression des départements, reviendrait à re-centraliser, donc éloigner les lieux de décision des populations.
Le premier département à disparaitre au 1er janvier 2019, celui de Paris. Quelles sont les intentions du gouvernement à l’égard des compétences exercées par l’actuel département de Paris, et du maintien du statut de la Ville de Paris ?
Les principes de la constitution des 3 départements de la petite couronne, se sont avérés pertinents :
– Une administration plus humaine, mieux identifiée, proche des administrés
– Des entités proportionnées et un rééquilibrage des territoires
– Favoriser une agglomération poly-centrée
L’entente interdépartementale de ces 3 départements gère avec la Ville de Paris l’assainissement des eaux usées de l’agglomération parisienne. C’est un véritable service public reconnu dans le monde entier. Mainte fois pris pour exemple, le Siaap est autant reconnu pour son professionnalisme que pour l’aide qu’il apporte dans nombre de pays au développement de services publics de l’assainissement que les collectivités locales peuvent ensuite exploiter elles-mêmes.
De même, les départements de grande couronne assurent en l’état un juste équilibre conciliant zones rurales et urbaines. Ils permettent d’avoir une vision adaptée de la gestion des besoins des populations et de l’aménagement du territoire.
Dans ce contexte, quelle est votre position concernant le rapprochement entre le CD92 et le CD78, qui s’accompagne de fermetures de services publics, en particulier les PMI et d’externalisation de services notamment pour les collèges?
Aujourd’hui nous constatons, qu’avec l’instauration par les lois MAPTAM puis NOTRe, de l’échelon métropolitain depuis le 1er janvier 2016, les atouts de la construction territoriale en Ile de France, s’en trouvent remis en cause sans que l’on puisse avoir la garantie que la nouvelle organisation sera en mesure de faire face aux défis nouveaux.
Ce débat sur les niveaux d’administration, nous le concevons à partir du constat que
nous faisons, et de la connaissance que nous avons, au quotidien, du fonctionnement des services publics départementaux, des besoins des populations. Les départements d’Ile de France et la région, constituent, de fait, les bons niveaux d’administration assurant des services publics de proximité, en lien avec l’échelon communal, et permettant l’interface des politiques publiques, en particulier sur les politiques sociales. Ils sont les niveaux les plus stratégiques de l’aménagement du territoire régional.
La création de la MGP a créé une concurrence stérile et des doublons entre les compétences de la Métropole et de la Région. La création de la MGP est aussi porteuse d’un risque de coupure entre petite et grande couronne et de relégation d’1/3 des franciliens. Le périmètre de la Région correspond à celui de l’aire urbaine de Paris, les grandes polarités économiques qui la constituent. C’est le bon périmètre adapté aux grandes compétences stratégiques, aménagement, développement économique, transport…
3e point sur lesquels nous souhaitons apporter notre réflexion : le financement du service public. Le montage MGP/EPT avec un système de redistribution des parts de fiscalité extrêmement complexe n’a pas permis cette simplification annoncée, et n’a fait qu’exacerber encore plus les écarts de richesses des territoires encore plus clivés.
La recherche de la solidarité entre ces territoires d’Ile de France, en particulier le rééquilibrage des inégalités (emploi/logement) entre l’Est et l’Ouest, ainsi qu’entre la proche banlieue et la grande périphérie (transport), doit être trouvée dans une réforme ambitieuse de la fiscalité locale que nous avons exposée dans notre précédente contribution. Aujourd’hui nous mettrons surtout l’accent sur la péréquation, afin de réduire les inégalités en termes de ressources fiscales : A la formule d’un flyer édité par les 7 départements franciliens : « NON à une métropole des riches ! » nous répondons : que le 92 qui déclare à son compte administratif 2017 768 millions d’€ d’excédent budgétaire, contribue beaucoup plus fortement à la péréquation, au bénéfice du 93 par exemple.
L’Etat doit assurer la cohésion et la solidarité des territoires. Mais nous n’oublions pas que l’Etat doit aussi assurer la compensation intégrale des dépenses sociales à l’égard des départements !
Derrière la question des financements se pose celle des moyens donnés aux collectivités leur permettant ou non d’assurer un service de qualité aux populations que ce soit dans le cadre de compétences obligatoire, de compétences partagées ou non. Il en va ainsi de l’accès à la culture, au sport, au tourisme. C’est également le maintien de mode de garde adaptés qui est en jeu avec la question cruciale du devenir des structures d’accueils.
C’est enfin la question de l’avenir de l’ensemble des services publics coeurs de compétence des conseils départementaux.
Pour nous, aucun ne doit être sacrifié, il en est de l’intérêt premier de la population francilienne.
Quelle ambition a le président de la République pour la région capitale ? Nous nous en avons une : faire de l’Ile de France, de l’agglomération parisienne, une région solidaire, tournée vers l’avenir, offrant à ses habitants un cadre de vie agréable, respectueux de l’environnement, éco-responsable, économe énergétiquement. Tout l’opposé du projet d’EUROPACITY qui concentre tout ce qu’il ne faut pas faire ! Ce qui illustre bien que les seuls intérêts privés ne répondent pas aux enjeux actuels : seuls les services publics peuvent le faire.
Enfin, 4e et dernier point, nous terminerons ce propos d’introduction en mettant l’accent sur l’inquiétude des agents quant à leur devenir ainsi que celui des services publics. Si l’objet de la réforme est de supprimer des emplois et des services ayez la franchise de l’annoncer d’entrée de jeu ! En tant que représentants du personnel dans nos collectivités, nous sommes déjà confrontés, à des degrés divers, aux mêmes politiques de réductions de la dépense publique : fermetures de services, réduction des dépenses de personnel, mutualisations, privatisations, externalisations, etc… ce n’est pas la bonne voie. Elle conduit à l’éclatement du pacte républicain.
Voilà pourquoi nous demandons des garanties quant à la suite du processus de réforme de l’organisation territoriale de l’Ile de France, avec :
- ● Avant tout que soit effectué et communiqué un bilan de la mise en place de la MGP et en particulier du transfert de compétences des villes aux EPT, l’impact sur les services et l’emploi public.
- ● Un référendum des habitants et des personnels concernés avant toute décision pouvant remettre en cause l’existence même d’un échelon démocratique quel qu’il soit.
- ● Qu’une négociation s’ouvre, tout au long du processus avec les organisations représentatives du personnel, en garantissant le maintien des droits du personnel et les moyens pour assurer des services publics de qualité.
Nous représentant.es de plus de 100 000 agents des conseils départementaux franciliens, de Paris, du SIAAP et de la Région n’accepterons pas d’être mis devant le fait accompli de décisions prises sans vote démocratique, ni négociation. Nous n’accepterons pas la remise en cause brutale de nos droits et acquis,ni des services publics utiles auxquels les francilien.nes sont attachés.
Des initiatives sont d’ores et déjà engagées dès la rentrée prochaine, et nous saurons mobiliser les agents, les usagers et les citoyens pour la défense de leurs services publics, s’ils sont attaqués.
La CGT du CD92, CD93, CD94, CD78, de Paris, de la région IDF et du SIAAP