A l’occasion de la journée mondiale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes, les centrales syndicales ont pris plusieurs initiatives. Elles ont aussi adressé un texte commun au Premier ministre en vue d’une norme internationale.
L’Organisation internationale du travail (OIT) va créer une nouvelle norme contre la violence et le harcèlement au travail d’ici 2019, à l’occasion du centenaire de l’institution. Les centrales syndicales françaises se mobilisent pour que le gouvernement clarifie sa position avant l’ouverture des discussions à Genève en juin prochain, en incluant notamment les violences sexuelles et sexistes faites aux femmes. Ainsi la CFDT organisait-elle une journée le 21 novembre dernier sur ce thème, la CGT le lendemain. Au cours de celle-ci, l’ancien leader de la centrale de Montreuil, Bernard Thibault, aujourd’hui représentant des salariés français au conseil d’administration de l’OIT, a fait le point sur la future norme.
Pour une convention fondamentale
La discussion achoppe déjà sur la forme. Première option, la recommandation permet de mettre en place des instruments de soft law et d’accompagner les Etats et les acteurs sociaux sur les politiques de prévention des violences et de protection des victimes à mettre en œuvre. En comparaison, la convention est plus contraignante, car elle engage les Etats sur des contrôles et ouvre la possibilité de porter plainte au niveau de l’OIT. Le gouvernement a confirmé la position française prise en 2014 en faveur d’une convention. Mais certains défendent la possibilité d’aller plus loin. Et ce, soit en créant une convention assortie d’une recommandation, soit en optant pour une convention fondamentale, qui, par nature, serait d’application universelle avec ou sans ratification. Selon Bernard Thibaut, « on pourrait défendre syndicalement la création d’une 9e norme fondamentale, car la violence sexuelle pose la question du respect des droits humains et de la dignité de la personne, au même titre que le travail des enfants ».
« 95 % des victimes au travail sont des femmes »
Enfin, la nouvelle position française pèche sur le fond. L’ensemble des syndicats français affiliés à la Confédération syndicale internationale (CGT, CFDT, CFTC, FO) dénonce une position a minima. Ils ont interpellé le Premier ministre, Edouard Philippe, dans deux courriers communs datés des 21 septembre et 17 novembre derniers. Les centrales reprochent au gouvernement de refuser « toute approche spécifique des violences fondées sur le genre », alors que « les violences et le harcèlement touchent spécifiquement les femmes ». Et les chiffres témoignent de la nécessité d’avoir une « approche systémique ». En France, dix viols ou tentatives de viol sont commis chaque jour sur le lieu de travail (Insee, 2007) et 20 % des femmes déclarent avoir été victimes de harcèlement sexuel au travail (Ifop, 2014). « Quand on refuse d’identifier les violences basées sur le genre, on se cache derrière son petit doigt, car 95 % des victimes au travail sont des femmes », déplore Bernard Thibault. Les centrales syndicales regrettent le manque d’ambition et en appellent à la responsabilité du gouvernement, d’autant plus qu’à l’OIT « la France fait partie de ces pays qui donnent le la », précise l’ancien leader de la CGT.